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Océan Bleu et stratégie produit dans l’univers des Marketplaces

L’Océan Bleu, vous connaissez? il s’agit d’une stratégie proposée par W. Chan Kim et Renée Mauborgne, à partir d'une analyse des plus belles réussites stratégiques des quinze dernières années. Cette stratégie est fondée sur la "recherche des nouveaux espaces stratégiques inexplorés", nommés "Océan bleu", pour les différencier de l' “Océan rouge” qui représente la bataille concurrentielle sur des marchés existants.

C’est cette stratégie que j’ai essayée d’appliquer quand j’ai lancé Marjory, avec Kamel Tansaout et Christophe Spoerry mes associés, et que j’en suis devenu le Chief Product Officer. Connaissant bien le monde des Marketplaces, nous cherchions alors une proposition de valeur innovante à formuler aux opérateurs de Marketplaces, forts du constat qu’il y avait beaucoup de barrières à l’entrée (techniques, métiers, organisationnelles) sur ce type de projet. 

A l’occasion de cette “recherche des nouveaux espaces stratégiques inexplorés” appliquée à l’univers des Marketplaces, j’ai acquis quelques convictions que je souhaiterais partager en vous, car elles contribuent chaque jour à inspirer ma vision produit.

Ré-intermédier pour valoriser la mise en relation

Le eCommerce a permis aux marques de mettre en oeuvre des modèles de désintermédiation. En déployant des sites de vente en ligne, ces marques ont pu devenir acteurs de leur distribution et prendre le contrôle sur une partie de la chaîne de valeur des grossistes, distributeurs et autres acteurs détaillants, qui leur échappait jusque là. Je ne vais pas refaire ici l’histoire et les enjeux du digital associés à cette approche, mais juste préciser que cela permet aux marques un accès direct à leurs clients et à la connaissance associée ( identité, profil, usages des produits et/ou services, etc).

Mais les attentes des clients de ces sites eCommerce évoluent également. Ils sont à la recherche d’une accélération dans les transactions. Dans leur processus d’achat, la sélection devient un critère plus important que la négociation. Ce qui compte, c’est de trouver le bon produit ou le bon service parmi la multitude en mesure de répondre à leurs besoins. La confiance dans les acteurs prescripteurs devient alors un enjeu clef pour les clients. Dans ce contexte, les marques doivent pouvoir mettre en avant la valeur de cette mise en relation. On parle alors de ré-intermédiation. Là où la désintermédiation cherchait à passer outre les intermédiaires, la ré-intermédiation valorise le service de mise en relation en le mettant au coeur de la proposition de valeur et en clarifiant le périmètre de responsabilité de tous les acteurs. 

C’est sur valeur de ré-intermédiation que se sont construites les Marketplaces qui ont ainsi accéléré le passage d’un mode ecommerce à un mode plateforme.  

Favoriser la différenciation des plateformes

Dans un monde devenant plateforme et multi-vendeurs, les marques peuvent avoir la perception de proposer des produits et/ou des services qui entrent en concurrence avec ceux des autres marques. Cette concurrence n’est pas forcément un enjeu dans la mesure où elle est le coeur même de la proposition de valeur de mise en relation décrite précédemment. 

Mais c’est une autre forme de concurrence qui peut devenir une vraie menace : celle entre les plateformes. D’abord, les plateformes se concurrencent pour trouver des clients. Ensuite, elles se concurrencent pour proposer les meilleures offres. Les marques sont alors en mesure de choisir les plateformes par lesquelles elles souhaitent se rendre disponibles aux clients finaux. Pour les opérateurs de ces plateformes, l’enjeu est bien de pouvoir proposer un positionnement, des fonctionnalités et des services différenciants au risque de ne pas susciter l’intérêt des marques et de disparaître. 

Leur différenciation devient donc la clef du succès. Et elle passe notamment par la capacité à ajouter et intégrer facilement de nouveaux services, pour les proposer à ses clients.

Simplifier l’intégration de nouveaux services

Il est vital pour ces plateformes de pouvoir enrichir leur proposition de valeur en ajoutant de nouveaux services. Qu’il s’agisse de services de paiement, de financement, de logistique, de vérification de l’identité (know your customer), de marketing, cette intégration ne se résume pas pour la plateforme à se connecter à l’API du fournisseur de service. Il faut replacer l’usage de ce service par les clients de la plateforme dans une expérience utilisateur (UX) cohérente. Il faut également, surtout dans le monde B2B, prendre en compte les spécificités métiers du secteur dans lequel opère la Marketplace. 

Malgré tous les efforts consentis par les service providers pour simplifier leurs API et fluidifier ainsi l’intégration de leurs services, cette intégration nécessite pour une courbe d’apprentissage et la mobilisation de ressources impactant directement les délais de mise en oeuvre. En parallèle, l’intégration des API du service provider doit se faire dans un contexte d’exécution métier. Par exemple, la mise en place d’un nouveau service de financement impacte forcément la direction comptable et financière. Aussi, l’enjeu de l’ajout d’un service n’est pas tant technique que la capacité de l’opérateur à le mettre en oeuvre dans un contexte d’exécution métier. 

J’ai rapidement acquis la conviction qu’il fallait pouvoir créer une nouvelle proposition de valeur qui permette de faciliter l’intégration de ces services en tenant mieux compte des processus métiers, des contraintes organisationnelles et de mise en oeuvre.

Rapprocher le fonctionnel et le technique

Dans cette logique, il s’est agi de rechercher comment rapprocher le fonctionnel, les métiers, et la technique. Et les nouvelles approches produits comme le low code peuvent contribuer à accélérer ce rapprochement qui va dans le sens de l’Histoire des systèmes d’information. Considérons les métiers de consultant métier et d’intégrateur qui interviennent traditionnellement sur des projets e-Commerce ou Marketplaces. J’ai la conviction que ces métiers ont entamé, parfois sans le savoir, une phase de rapprochement. 

Les consultants métiers doivent de plus en plus s’impliquer dans la technique surtout quand ils travaillent sur l’intégration de nouveaux services. On leur demande d’évaluer, de quantifier et d’anticiper les charges et les modalités d’intégrations de ces nouveaux services dans le système d’information et dans l’organisation de l’entreprise. Quant aux intégrateurs, ils cherchent à accélérer constamment les cycles de déploiements de leur clients pour répondre à leurs exigences d’agilité mais également à bien évaluer tous les coûts d’intégration pour les dé-risquer.

Cette convergence des luttes s’opère aussi autour de la donnée, qui est au coeur de la création de valeur de ces plateformes.

Ne partager que les données utiles à l’exécution des processus

La valeur d’une entreprise tient beaucoup à l’exécution des processus qui la constituent, elle et son business. C’est encore plus vrai pour une Marketplace dont la parfaite exécution et la scalabilité des processus est à la fois un enjeu de rentabilité et de viabilité.

Cela doit nous conduire à ne pas inverser la charge de la valeur des données. Si celles-ci sont au coeur de la connaissance client et des processus de l’organisation qu’elles permettent de faire évoluer, c’est bien l’organisation et ses processus qui façonnent les données traitées. La première valeur des données est donc de permettre l’optimisation et l’amélioration de ces processus. 

C’est sur cette approche que j’ai voulu capitaliser en développant le produit Marjory : privilégier une intégration par partage des données dans un contexte d’exécution. Dans la modélisation mise en oeuvre, chaque système est responsable de son périmètre de données et référent sur cette donnée/attribut.

Marjory permet une mise à jour des applicatifs en contexte d’exécution, non pas de manière systématique mais de manière contextuelle, en liaison avec des événements dont l’écoute permet de faire avancer l’exécution des processus sous-jacents. Seules les données utiles à l’exécution des processus sont ainsi partagées et valorisées contribuant ainsi à promouvoir un mode de gestion “Lean”.

Voici quelques une des convictions nées de la “recherche des nouveaux espaces stratégiques inexplorés” de l’Océan Bleu dans l’univers du e-Commerce et des Marketplaces. Elles contribuent à inspirer ma vision du produit Marjory. Et à forger quelques convictions, dont celle que la centralisation en plateforme n’est qu’une étape transitoire vers une décentralisation de l’économie qui passera de plus en plus par la mise en place d’écosystèmes interopérables et durables, signes de plus de résilience et de coopération. Mais ce sera sans doute l’objet d’un nouvel article.

Ecrit par Frédéric CHOUDAT sur Linkedin le 01/07/2020 et repris avec son autorisation
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